• Capello mon maître

    Capello, mon maître

     
     :

    hommage

    LE FIL TéLéVISION - Silhouette ronde, esprit carré, Jacques Capelovici, chasseur de barbarismes, régnait sur “Les jeux de 20h” de notre enfance, de son allure de prof très IIIe République, mâtinée d’un zeste d’humour, “de bon aloi”, évidemment. On le trouvait ringard, puis assez rigolo, puis on l’a oublié. Alors pourquoi cette pointe de tristesse à l’annonce de sa mort ?


    Photo : LE PARISIEN/MaxPPP

    On a ri aux oraisons diverses, sur Twitter, Facebook ou dans Libé, toutes en erreurs de syntaxe et barbarismes : j'irai fauter sur ta tombe, Maître Capello.

    On a ri, mais on est surtout étonné.

    De lui, on ne garde que de vagues souvenirs d'enfance, à la télé, sur FR3, Les jeux de 20h, une tête de hibou, une sagesse immobile – l'a-t-on déjà vu marcher ? –, entre Yoda et Jabba the Hut, demi-lune en équilibre sur le nez, la lippe épaisse, gourmande, prête à bouffer du participe passé mal conjugué, du « pallier à » et « des malgré que » en barquettes de douze.

    Un physique incorrigible de prof absolu, une prestance troisième République qui lui permit de redresser les torts et la syntaxe de tout un pays sans se faire exécrer. On se rappelle sa voix nasillarde, ses accents ORTF, sa diction cristalline, ses « de bon aloi », ses cravates rouges et ses calembours. Capello est né désuet. Il a su le rester.


    Maitre capello 1984 par jc761


    A l'adolescence, on a cru qu'il était le représentant légal de la ringardise envoyé sur Terre ; en grandissant, on l'a trouvé rigolo, une mascotte janséniste, un correcteur d'orthographe en costume.

    Il y avait une bouffonnerie névrotique dans cette insistance à jouer les sentinelles d'une langue qui ne demandait qu'à se libérer, à s'ouvrir au « cette nana est canon » des années 80, au « je suis méga branché », au verlan, et puis, plus tard, au « j'ai kiffé ma race », aux « meufs », aux « keums », aux trépidations plus ou moins inspirées d'une syntaxe qui palpite, se dérègle et évolue.

    Lui, il restait là, vissé à ses règles, psalmodiant dans le vide le bon usage des mots, immobile, toujours immobile, « on ne dit pas effacer le tableau, mais essuyer le tableau », « le whisky n'est pas une boisson alcoolisée mais une boisson alcoolique ».

    Devenu adulte, on s'est mis à l'oublier pour de bon, remisant au magasin des accessoires ce souvenir de prof cathodique et de cruciverbiste chez Télé 7 jours, silhouette ronde, esprit carré, humour noir en bandoulière, « En deux lettres, condamné à mort : né ».

    On vous avait oublié Maître Capello. Voilà pourquoi on est étonné aujourd'hui. Surpris d'être aussi triste. Une tristesse de temps qui passe, à l'imparfait du subjectif, en quatre lettres et une ponctuation : déjà ?


  • Commentaires

    1
    biribibi
    Mercredi 23 Mars 2011 à 21:42
    Très bel hommage !
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