Le 29 mai dernier, Mediapro raflait les droits de la Ligue 1 au nez et à la barbe de BeIN Sports et de Canal+. Un véritable séisme, notamment pour la chaîne cryptée qui diffusait le championnat de France depuis 1984. Dans la foulée, le patron du groupe catalan Jaume Roures organisait une conférence de presse pour expliquer dans les grandes lignes sa stratégie pour les droits TV de la L1 Conforama. Six mois plus tard, l’homme fort de Mediapro a donné une interview au Figaro et a de nouveau expliqué les raisons qui l’ont poussé à faire sauter la banque pour le championnat de France. « Nous payons beaucoup, mais notre objectif est de faire grandir le marché. C’est ce que nous avons déjà fait avec le football espagnol. Quand nous l’avons acheté il y a douze ans, les droits du foot étaient de 400 millions d’euros et il y avait un million d’abonnés. Aujourd’hui, les droits de la Liga sont de 2,2 milliards d’euros et nous avons fait grimper le nombre d’abonnés à 4 millions. Nous avons multiplié la valeur du foot espagnol par cinq et, au final, tout le monde a gagné de l’argent : les clubs, les joueurs et Mediapro. »
L’objectif est donc simple pour le patron catalan, il souhaite appliquer la recette espagnole à l’Hexagone. Forcément ravi du sacre mondial des Bleus en Russie, Jaume Roures sait exactement comment faire pour développer le produit L1, comme il l’appelle. Selon lui, il faut transformer la « Ligue des Talents », comme la nomme la LFP, pour en faire un produit d’exception. « Notre travail va consister à rendre le produit L1 encore plus attractif qu’il ne l’est. Pour cela, nous allons travailler avec les clubs pour définir les bons horaires des matchs, pour avoir de beaux stades, de bonnes pelouses, de bons éclairages. Les clubs devront jouer le jeu et fournir des facilités d’accès aux coulisses, aux vestiaires, aux joueurs et entraîneurs. C’est comme cela que la L1 deviendra un grand spectacle et que nous séduirons plus d’abonnés. » Plus facile à dire qu’à faire pour un produit très coûteux et qui pourrait être rentable si Mediapro parvient à réunir 3,5 millions d’abonnés.
Pas question de sous-licencier les droits TV de la L1 à Canal+
Il compte passer le championnat de France dans une nouvelle dimension, celle du divertissement. Et pour y parvenir, Mediapro ne compte pas réinventer la roue. Le groupe catalan va largement s’inspirer de ce qu’à fait BeIN Sports à ses débuts, à savoir créer une chaîne non pas 100 % sport comme la chaîne qatarie, mais bien 100 % foot. Mais contrairement au souhait de Canal+, pas question de sous-licencier les droits TV de la L1 comme l’espérait notamment le directeur général France de la chaîne cryptée Frank Cadoret. Jaume Roures est catégorique, c’est hors de question. « Notre modèle économique est très clair. Nous allons fabriquer une chaîne 100 % foot et nous allons la commercialiser auprès de tous les opérateurs du marché et en direct sur Internet. Nous écartons l’idée de sous-licencier une partie de nos droits. Car si nous revendions une partie des droits à Canal+ par exemple, nous appauvririons l’offre de notre propre chaîne. Et ce n’est pas le but. »
Diffuser 100 % de la Ligue 1 sur sa chaîne dédiée et en faire un rendez-vous incontournable du divertissement en France à la télévision, le plan est donc simple, mais pas sans risque pour Mediapro. D’autant que cette nouvelle chaîne sera forcément payante et devrait coûter très cher au fan de football, dont le porte monnaie n’est guère épargné depuis 2012 et l’arrivée de BeIN Sports dans le paysage audiovisuel français. Seul lot de consolation pour l’instant, l’abonnement mensuel pourrait être légèrement inférieur aux 25 € annoncés par Jaume Roures lors de sa conférence de presse de mai dernier si le succès est immédiatement au rendez-vous. « J’ai évoqué le prix de 25 euros par mois pour notre chaîne, ce qui correspond à un simple calcul du prix payé pour les droits et du réservoir de 3 millions d’abonnés. Mais si nous parvenons à séduire plus d’abonnés, le prix pourrait baisser », explique l’homme d’affaires catalan qui a encore dix-huit mois pour peaufiner son plan et ainsi convaincre le téléspectateur français de rejoindre la galaxie Mediapro.