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Michel Delpech
Le chanteur Michel Delpech nous a quitté
LE MONDE | 02.01.2016 à 22h57 • Mis à jour le 04.01.2016 à 14h14 | Par Sylvain Siclier
Avec son sourire chaleureux, sa séduction tranquille dans la voix, bien posée, juste, assez économe d’effets, Michel Delpech aura été, du milieu des années 1960 à la fin des années 1970, l’un des interprètes les plus populaires de la chanson française. Un « chanteur de variétés. Je n’offre pas une “œuvre” », avait-il confié à notre collègue Bruno Lesprit, en décembre 2000. Souffrant d’un cancer de la gorge et de la langue depuis 2013, le chanteur, parolier et compositeur Michel Delpech est mort le 2 janvier. Il était âgé de 69 ans.
Il restera l’interprète d’une bonne trentaine de grands succès, souvent de jolies romances, un rien nostalgiques, dont il signe les textes, allant parfois vers un léger commentaire social, aux mélodies bien tournées. Nombre de ces airs viennent du pianiste, compositeur et arrangeur Roland Vincent. Une collaboration qui débute dans les années 1960 et qui produit de nombreuses réussites, de Chez Laurette (1965) à Quand j’étais chanteur (1975, avec Jean-Michel Rivat pour le texte)
Né le 26 janvier 1946 à Courbevoie (Hauts-de-Seine), Jean-Michel Delpech, qui rapidement ne gardera que Michel comme prénom d’artiste, vient d’un milieu qu’il qualifie de « monde ouvrier (…). Mon père possédait un petit atelier de nickelage-chromage sur métaux, confie-t-il, Nos manières étaient plus prolétariennes que bourgeoises, mais on était assez à l’aise financièrement. » Enfance et adolescence sans histoire. Le goût des livres, de l’écriture, l’amène un temps à se voir journaliste. La musique, il la fredonne, en écoutant Brassens, Aznavour, Bécaud, Sinatra aussi, un peu de jazz. Au lycée, il devient chanteur dans des groupes de copains. Ses premiers textes vont être enregistrés pour la compagnie Vogue, qui publie en 1963 son premier 45-tours, avec quatre titres.
Les premiers succès
Le succès n’est pas encore là, pas plus que pour les quatre chansons suivantes, composées cette fois par Roland Vincent, qui sortent sur Festival, un label de la maison Barclay, qui publiera les disques de Delpech jusqu’au début des années 1980. Delpech et Vincent vont alors participer à la pièce Copains-clopant, « fantaisie musicale » de Christian Kursner. Le thème : la transformation d’un sympathique apprenti truand en chanteur vedette, avec jolies filles, imprésario, commissaire débonnaire… C’est là qu’il se fait repérer une première fois, dans un duo sur la chanson titre avec l’une des interprètes de la pièce, Chantal Simon, qui deviendra sa première femme en 1966. Au programme aussi, la chanson Chez Laurette, futur classique de son répertoire.
A partir de 1966 les choses s’accélèrent, avec Marie-toi Marie-Jo et surtout Inventaire 66. Une bizarrerie psyché, où les paroles évoquent des bottes Courrèges, des « cheveux longs, les idées courtes », Paris 2 (nom alors utilisé pour le futur centre commercial Parly 2, le Palmarès de la chanson, le Drugstore Opéra, les chemises à fleurs, James Bond… Il y évoque son époque, avec comme leitmotiv – deux ans avant Mai 1968 – « toujours le même président », De Gaulle, sans le nommer. Delpech en fera une autre version, actualisée en 1971, avec le même constat, adressé cette fois à Pompidou. En octobre de la même année, pour les adieux de Jacques Brel à la scène, Delpech est l’un des chanteurs en première partie des concerts à l’Olympia. Cette fois, c’est bien parti.
Il faut regarder les étoiles, un peu dans le swing jazz à la Sacha Distel, est son premier 45-tours pour Barclay. Suivent Poupée cassée (de Roger Dumas et Jean-Jacques Debout), Les Petits Cailloux blancs et l’énorme succès de Wight Is Wight, enregistrée le 1er octobre 1969 au studio Davout, à Paris, évocation de la deuxième édition du festival de l’île de Wight, les 30 et 31 août, à laquelle participa Bob Dylan plutôt que d’aller à Woodstock : « Wight Is Wight/Dylan Is Dylan (…) Ils sont arrivés dans l’île nue/Sans un bagage et les pieds nus. » Delpech devient un invité régulier des émissions de variétés à la télévision, où il présente ses chansons qui deviennent vite des tubes. Ainsi Un coup de pied dans la montagne (1970), Pour un flirt (1971), La Vie la vie (1971), Que Marianne était jolie (1972) composée par Pierre Papadiamandis, le complice musical d’Eddy Mitchell, Les Divorcés (1973, texte de Michel Delpech et Jean-Michel Rivat)…
Même si Roland Vincent reste son compositeur principal, Michel Delpech commence à travailler avec Michel Pelay pour Le Chasseur (1974), Le Loir-et-Cher (1977) ou avec Claude Morgan pour Tu me fais planer (1976) dont le début inspirera musicalement La Dernière Séance chantée par Eddy Mitchell, en 1977. Quand j’étais chanteur en 1975, sera l’une des dernières compositions de Roland Vincent pour Delpech, avant des retrouvailles au début des années 1990…
La religion, moteur de son quotidien
Son divorce, en 1976, des interrogations sur sa carrière, vont amener Michel Delpech à se mettre en retrait à la fin des années 1970. Il s’intéresse au bouddhisme, approfondit sa pratique du christianisme, qui devient le moteur de son quotidien – il consacrera à ce « coup de foudre » un livre, en 2013, J’ai osé Dieu… (Presses de la renaissance). En 1979, il enregistre un album de reprises, 5 000 kilomètres, avec des adaptations de chansons de James Taylor, Paul Simon, Carole King, Elton John, Graham Nash…
En 1983, il rencontre Geneviève Garnier-Fabre, qu’il épouse en 1985. Fin 1984, la chanson Loin d’ici sera l’un de ses derniers succès chez Barclay. En 1985, il est l’un des chanteurs du collectif Chanteurs sans frontières qui interprète Ethiopie, de Renaud et Franck Langolff, destiné à recueillir des fonds pour les victimes de la famine dans le pays. En 1986 sort Oubliez tout ce que je vous ai dit, nouvelle collaboration avec Jean-Jacques Burah et Michel Pelay, mais ce sont désormais surtout des compilations de ses chansons qui continuent de se vendre. Il retrouve Roland Vincent en 1991 pour une exploration des musiques du Brésil qui figure dans le disque Les Voix du Brésil, publié par Tréma et qui donnera lieu à une série de concerts.
Une nouvelle période de retrait sera suivie d’une tentative de renouvellement en 1997 avec des collaborations avec la nouvelle génération (Obispo, Murat…) dans l’album Le Roi de rien, mais sans convaincre. Depuis le début des années 2000, il bénéficie pourtant d’un retour d’attention. Bénabar le revendique comme une influence, le cinéaste Xavier Giannoli utilise sa chanson Quand j’étais chanteur (parmi d’autres classiques de la variété) pour son film du même nom en 2006, année de la parution de Michel Delpech &…, album de ses succès interprétés en duo avec Bénabar, Clarika, Cali, Alain Souchon, Julien Clerc ou Francis Cabrel. Un disque qui se vendra à 200 000 exemplaires dans les semaines de sa sortie. Il reprend la route des tournées.
En novembre 2012, Michel Delpech retrouve le cinéma, cette fois comme acteur de L’Air de rien de Grégory Magne et Stéphane Viard, dans le rôle d’un ancien chanteur à succès endetté qu’un huissier fan va aider. Début mars 2013, il doit annuler plusieurs de ses concerts, après qu’on lui a diagnostiqué un cancer de la gorge.
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