|
|
|
| our ce jour sans couleur, sans espérance, on sassemblait au village, propres, en habits du dimanche. Les cloches sonnaient le glas. On fêtait la mort. Bientôt, la solitude au coude à coude ébranlait le cortège.<o:p></o:p> Pour descendre au cimetière, un curé dâge mûr, derrière la lourde croix que portait un enfant vêtu de blanc, psalmodiait du grégorien que les vieilles surtout, chevrotant le malheur, répétaient en chur.<o:p></o:p> Passé les premiers rangs, on rêvait souvent. Certains osaient bavarder. La récolte bréhaigne, un veau crevé, les labours en retard, les bornes baladeuses... On sétait déjà tant démené dans la poussière de lété.<o:p></o:p> Cependant près des portes, chacun se ressaisissait. Un silence incrédule envahissait la foule ; le sable seul, pioché de frais, crissait ; les branches des pins attiraient des corbeaux. Chaque famille fixait sa tombe.<o:p></o:p> Cétait un père, un frère, une mère, une sur. La guerre avait couché lun ; le devoir fait les martyrs. Les autres, cétait la rivière en furie, un grand arbre à la renverse ou le simple harassement, à tout âge.<o:p></o:p> Au bout des patenôtres, de lhébétude, de limposture parfois, un pèlerin détournait le regard, un voisin risquait un signe, une belle femme souriait, tandis que les veuves redoublaient de sanglots presque à lunisson. <o:p></o:p> Enfin le curé, dun coup sec, refermait son missel. Dun grand geste il se signait et, dans un demi tour militaire, il poussait devant lui la croix en broyant lépaule de lenfant de chur qui partait au galop.<o:p></o:p> Souvent il faisait froid. Parmi les allées, sous lagitation, les hommes ajustaient leur béret pour sélancer gravement. Vaincues, les filles soutenaient leur mère en pleurs. La douleur, les hommes la leur abandonnaient.<o:p></o:p> Et lon entendait, depuis la route, se refermer les grilles dans un miaulement de rouille. Le village réaspirait son monde. Midi allait fumer dans les assiettes. Cétait tout, jusquau prochain enterrement.<o:p></o:p> PIERRE PERRIN, La Vie crépusculaire, Cheyne, 1996<o:p></o:p><o:p></o:p> |
|
|
|
|
|